De David Engels sur le site de Valeurs Actuelles :
La fin du mandat présidentiel de Donald Trump rappelle le déclin de la République romaine, au Ier siècle avant Jésus-Christ, estime l’historien et essayiste belge.
Cicéron (debout) dénonce Catilina (assis, isolé) du parti des populares au Sénat |
De Rome à Washington
Certes, le populiste Clodius, contrairement à Trump, était loin de poursuivre un programme culturel conservateur et l’optimas [les optimates étaient le parti de l’établissement, de l’élite en place] Milon n’aurait probablement jamais tourné en dérision sa propre histoire culturelle comme le fait la cancel culture. Mais les parallèles morphologiques entre hier et aujourd’hui restent stupéfiants : l’érosion des antagonismes idéologiques entre les partis traditionnels par la formation de cartels ; l’exclusion systématique et donc la radicalisation politique de toute opposition interne ; l’incapacité d’un système caractérisé par une polarisation sociale inouïe à se réformer par lui-même ; et enfin l’instrumentalisation politique de la rue — et ce précisément non seulement par les populistes, mais aussi par les partis établis, qu’il s’agisse des voyous de Milon ou de l’antifa.
Mais ce qui est encore plus éclairant, c’est la conséquence politique ultime de la brève aventure populiste romaine, à savoir la volonté croissante d’une élite politique menacée de réaliser exactement ce dont elle accuse ses adversaires : l’instrumentalisation de l’état d’urgence. Ainsi, l’assassinat de Clodius, en 52 avant Jésus-Christ, fut suivi par la nomination de Pompée comme consul unique, fait inédit dans l’histoire de Rome, car négligeant un élément central de la séparation des pouvoirs et anticipant l’Empire. Pompée, bien qu’il ait secrètement alimenté le conflit entre Clodius et Milon, se présente comme un « médiateur » impartial entre populares et optimates ; mais sous prétexte de combattre les « fauteurs de troubles » par des forces de police spéciales et des tribunaux extraordinaires, il se débarrasse rapidement de ses propres adversaires. Et il faut s’attendre à ce que Joe Biden, lui aussi, sache tirer bon parti de ces sinistres listes des « trumpistes » compilées par ses supporters, tout comme il est à supposer qu’en Europe également, nous assisterons bientôt à une répression politique croissante du populisme conservateur.
Le cadavre de Publius Clodius Pulcher (mort en -52) retrouvé sur la via Appia à Rome |
Un flou idéologique salvateur ?
Cependant, quiconque croit que la victoire imminente de l’établissement politique sera définitive se trompe : les « déplorables » américains ainsi que les « gilets jaunes » français ou les « Wutbürger » allemands continueront à représenter un puissant capital politique précisément en raison de leur flou idéologique ; capital qui sera facilement accessible à tous ceux qui auront compris que la lutte politique de l’avenir ne sera plus décidée par des élections et des institutions, mais, tout comme dans la Rome républicaine tardive, par le charisme, le contrôle de l’opinion publique, le pouvoir financier et la pression de la rue. Dans la Rome antique, le bref calme imposé par Pompée fut rapidement suivi par la révolte de César, qui, en 49, entraîna le début de plus de vingt ans de guerre civile ouverte ou larvée, jusqu’à ce que les antagonistes fatigués se soumettent finalement au compromis impérial d’Auguste. D’où viendra le César européen ?
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Pro renovatione occidentisDans Le Déclin, à travers une étude comparative simple et factuelle, Davis Engels fait le récit
de la situation, troublante de ressemblances, vécue par la République
romaine tardive. De la question de la citoyenneté et des flux
migratoires à celle de l'art ou des frontières, cette époque antique
apparaît stupéfiante d'actualité et de modernité.
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